Pouvoir local : quand la transparence devient un risque politique

Dans bien des communes, les maires aiment se présenter comme les garants de la démocratie locale. Ils parlent de concertation, de transparence, de dialogue, de proximité. Mais ces mots, répétés à chaque discours, finissent parfois par se vider de leur sens, jusqu’à devenir des slogans d’apparence démocratique.

Car la démocratie locale ne se mesure pas à la fréquence des réunions publiques ou au ton des bulletins municipaux : elle se mesure à la qualité du droit à l’information, à la circulation réelle des décisions, et à la place qu’on laisse au contrôle citoyen.

Or, trop souvent, certains responsables locaux confondent « gérer » et « détenir ». Ils administrent la commune comme on gère un bien privé, oubliant qu’ils n’en sont que les dépositaires temporaires. La transparence devient alors un exercice risqué : elle pourrait révéler des erreurs, des incohérences, des priorités mal assumées. Alors on communique… mais sans informer. On publie… mais on filtre. On répond… mais partiellement.

Exemple concret : la commune de Seysses

Le 1er septembre, les élus de l’opposition ont demandé à la mairie de Seysses l’ensemble des livres comptables de la commune de 2020 à 2025, ainsi que ceux du CCAS. Rien d’extraordinaire : la loi reconnaît à chaque élu le droit d’accéder à ces documents. C’est même une condition essentielle du contrôle démocratique.

Pourtant, la mairie a d’abord répondu qu’elle devait « attendre l’avis de la CADA » pour savoir ce qu’elle pouvait transmettre. Une justification étonnante, car la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) n’a jamais pour rôle de limiter l’accès à l’information, mais de le garantir.

Après deux mois d’attente, les documents arrivent enfin… ou plutôt, une petite partie d’entre eux. La mairie ne transmet que la classe 6 du plan comptable — celle des dépenses courantes. Les autres sections, celles qui permettraient de comprendre la situation financière réelle (recettes, investissements, dettes, trésorerie, budget du CCAS), restent absentes.

Résultat : on voit que l’argent sort, mais on ne sait ni pourquoi, ni des fois pour qui. On montre une page, pas le livre.

Une conception du pouvoir plus que de la démocratie

Ce comportement n’est pas anodin. Il révèle une conception du pouvoir où l’information est perçue comme un outil de domination, non comme un bien commun. Celui qui contrôle les données contrôle aussi la parole, le récit, et donc la perception publique.

La démocratie locale devient alors un théâtre : la transparence se joue sur scène, mais les décisions se prennent en coulisses. Et les citoyens, privés d’accès à la vérité complète, deviennent spectateurs de leur propre vie collective.

Revenir à l’essentiel

Être maire, ce n’est pas seulement administrer : c’est rendre des comptes. C’est accepter le regard, l’échange, la critique, et parfois la remise en question. C’est comprendre que la transparence n’affaiblit pas le pouvoir : elle le légitime.

Car la confiance des citoyens ne se gagne pas avec des slogans, mais avec des preuves. Et à Seysses, comme ailleurs, il ne suffit pas de dire qu’on est transparent. Encore faut-il montrer le documents à l’appui.

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